mercredi 30 mars 2011

Solitude en expansion

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Absence de signal               Mur de silence
Le cœur tendu comme un tambour               Résonne
Soleil coagulé                   Lumière immobile
Tes pas sont muets                Aucune oreille pour entendre
Personne
La poussière comme un duvet sur la peau
Neige à l'écran            Rien
Neige dans ton cœur
Radar mort dans le caniveau
Courant d'air dans les draps
Être malheureux, c'était mieux
Goût de fruit           Goutte de pluie
Lèche la mort sur les vitres
Hier encore...
Ce quelqu'un à tes côtés
Parti               Disparu                  ?                   ?
Avec ta fierté fait des cocottes en papier
Ça t'occupera
Absence de signal                Mur de silence
Vas-y, crie !

jeudi 17 mars 2011

Les larmes, la terre

On nous a dit de ne plus manger les légumes. Surtout ceux qui se développent dans la terre : carottes, pommes de terre, oignons. La terre contaminée empoisonne. La terre est une boue grise et poisseuse jusque par-delà les souches de l'ancienne forêt.
Mais par ici, il n'y a jamais eu grand-chose qui pousse hors de terre, chez nous même les légumes se planquent. Il reste le chou.
On a demandé : et le chou ?
On nous a répondu, humm, oui, mais le risque zéro n'existe pas, le chou c'est un peu jouer à la loterie, en bourse, à la roulette russe s'il fallait donner un équivalent.
Au début, on ne mange rien à part les dernières conserves qui nous restent, des pâtisseries sous vide, des aliments lyophilisés trouvés au hasard des maisons dont il ne reste que l'armature, pareilles à des branches d'arbres en hiver.
Puis, on a faim et on attend le camion qui n'arrive pas.
L'air est redevenu limpide, de plus en plus silencieux, de plus en plus suspendu, il donne l'impression d'une aube continue.
On ne nous dit plus rien depuis un moment déjà et le ciel est muet comme une tombe.
On fait bouillir l'eau avant de la boire comme si bouillir pouvait quelque chose. Nos moyens sont dérisoires.
On nous a dit qu'il fallait être patient et que dans quelques temps tout irait mieux, tout irait comme avant. Nous sommes condamnés mais pas stupides. Nous savons qu'il faudra être patient au moins plusieurs générations. Ce sera trop tard pour nous.
Alors, je prépare une soupe, je fais bouillir longtemps le chou, les carottes, les pommes de terre et les oignons.
Je m'agenouille près de mon mari, je prends sa main inerte et grise comme la terre, et je lui promets un bouillon maigre comme nous aimions en prendre parfois le dimanche soir quand nous avions reçu tout le week-end et que, nos amis partis, nous étions heureux de nous retrouver tous les deux, sans mot dire sans rien faire d'autre que boire ensemble un bol de soupe.

mardi 8 mars 2011

Paranoiac testament

À la disparition de Paule, retrouvée morte dans la porcherie, on fit dans la ferme à l'abandon une découverte stupéfiante : les mots gravés dans le plancher par son frère vingt ans auparavant.


Je ferme les yeux. Le crépitement du jaune aussitôt rougeoie et contamine l'horizon. Arbustes, broussailles, herbes folles se tordent, s'élèvent en serpentins de cendres. La terre se convulse sous leurs radicelles incandescentes.
J'entends gémir les premiers arbres de la forêt. L'écorce se fend. Craque. Lamelles de peau rouge et noire se recroquevillent sur la chair nue du bois. D'un arbre à l'autre, la forêt entière torchère. Remonte le long de mes jambes... le feu.

Coups réguliers, coups forcenés de mon frère sur le plancher de la chambre. Trou à la chignole dans les lattes de chêne. Sillons à la gouge creusés d'un trou à l'autre. La lettre se forme à la sueur de mon frère.

mercredi 2 mars 2011

Torch 2013


Il a un chien. L'animal s'appelle Torch. Longtemps, il a considéré que posséder un chien était un truc de mémère ou de paumé. Il ne voit plus les choses de la même façon. La pensée s'adapte au contexte. Ça n'a rien à voir avec la vérité.

Donc, il a un chien : Torch. Un bâtard de la pire espèce qui n'a pas son pareil pour repérer un animal à l'agonie pris dans le piège d'un braconnier.
Il a été heureusement surpris de ça : le braconnage n'est pas une pratique moyenâgeuse, pas plus que la biffe ou le troc.