Pendant trois semaines, on ne parla que de ça au Café des Sports.
A un jet de pierre de ce centre névralgique se trouvait une ruelle calme, bordée d’immeubles bas et de maisons de ville mitoyennes. Au numéro 17, dans une petite bâtisse d’un étage, vivait la veuve d’un pharmacien, octogénaire polie et réservée, n’entretenant de lien d’amitié avec personne et ne recevant jamais. Une dame bien mise et même coquette, qui ne sortait pas pour ses courses sans s’être maquillée. Une femme sans histoire, figurante discrète du quartier. Elle s’appelait Suzanne Prieur.
Les dernières années à vrai dire, le 17 de la rue Hector Berlioz avait à plusieurs reprises attiré l’attention des riverains. L’odeur qui par moment s’en échappait avait intrigué. Une odeur de renfermé, de moisissure, d’égout, de pourriture. On ne savait pas vraiment. Certains disaient de putréfaction, le boulanger du coin de la ruelle qui n’avait pas l’habitude de mâcher ses mots parlait lui de « rats crevés ». Puis, était-ce une simple question de météo, de température et de vent, ou de fenêtres ouvertes ou fermées, on ne sentait plus rien, on n’y pensait plus et on avait bien d’autres chats à fouetter.
Un matin de fin novembre, c’est une autre odeur, celle de plastique brûlé, puis la fumée qui avaient poussé les voisins à composer le 18. En l’absence de Madame Prieur partie faire le marché, les pompiers avaient dû enfoncer la porte d’entrée. L’origine du départ de feu, vite maîtrisé, était un sac plastique posé sur un radiateur d’appoint.
Avant même que madame Prieur fût au courant de l’incendie, nous étions nous, au Café des Sports, déjà informés de l’intervention des pompiers mais surtout du spectacle hallucinant qu’avait donné l’intérieur de la maison.