mardi 31 janvier 2012

Un bracelet

«Anisia pourra faire du surf tous les jours… »
Elle avait de plus en plus souvent l’impression que Mathias parlait de quelqu’un d’autre qu’elle. Ce départ pour la côte Ouest des Etats-Unis où elle pourrait surfer, ouvrir un cabinet à son compte…, il le présentait comme son rêve à elle. Ils partaient dans deux mois. Les cartons vides envahissaient l’appartement. Elle ne voyait rien avec quoi elle aurait envie de les remplir. Elle se sentait aussi vide qu’eux.
Elle avait posé sa journée pour commencer à faire ce premier tri, toujours remis depuis des semaines. En réalité, elle ne faisait rien. Puis vers midi, il se produisit quelque chose. Un événement apparemment sans importance. Le passage du facteur avec son lot de factures et, cette fois-ci, une enveloppe sans expéditeur.
Prends garde aux objets, professait sa grand-mère, ils ont un pouvoir et une âme. Ils possèdent à l’instar des hommes l’extraordinaire et troublante faculté de se changer en fantôme, et c’est l’effet que lui fit le bracelet, celui d’une apparition surnaturelle.

mercredi 25 janvier 2012

Sans titre 8


des guitares des guitares des guitares
des étoiles des étoiles des étoiles
qui ricanent
plus jamais je n’embrasserai un musicien de passage

mercredi 11 janvier 2012

Nous sommes de grands chiens bleus


Vous noterez la fabrication artisanale de nos muselières, un tressage serré du cuir de nos propres veines. De la belle ouvrage !
Dans nos souvenirs, dans nos rêves…
Grand chien bleu sous la lune. Court. La proie si proche. Un coup de dent. Au-delà, la steppe noire et âpre de l’espérance. A perte de vue.
Enragé.
Dans nos souvenirs, dans nos rêves…
Sous nos fenêtres. Sur le trottoir. Grand chien jaune. Court après sa queue. Toujours si proche, jamais assez. C’est insensé. Jusqu’à l’épuisement.
Par nos fenêtres comme au spectacle, sous nos yeux le grand chien jaune tourne et, parfois, quand nous en avons le temps, nous pleurons.
Soyez sans crainte, ce n’est que du liquide, un peu de larmes et de bave, nous ne mordons pas.
Nos dents, derrière le tressage serré, aussi affamées et démentes que nous, nous dévorent l’intérieur.
Lundi effilochent le nerf crural, oh mais c’est affreux nous ne pouvons plus marcher, mardi étirent le caoutchouc d’un morceau d’intestin, aïe nous avons tellement mal au ventre, mercredi compriment entre deux molaires un bouquet de vaisseaux cérébraux, arrh nos têtes, des étaux, et nos pensées, toutes écrabouillées, jeudi, vendredi, samedi, furie retournée comme un gant, tout un catalogue de douleurs des plus rudimentaires aux plus sophistiquées, et dimanche…