Par courtoisie je lui proposai de rester dormir, la correction eut voulu qu’il fît au moins mine de ne pas vouloir déranger. Il passa outre et déplia aussitôt le canapé en se désolant que le matelas en fût si fin.
Ses sanglots m’empêchèrent d’abord de m’endormir puis il me réveilla vers cinq heures du matin en venant s’asseoir sur le bord de mon lit pour parler. Je lui coupai la parole vers sept heures, il était temps que j’aille travailler. Par la fenêtre, il m’adressa un pitoyable salut. Son visage était décomposé. J’entrai en hâte dans la bouche du métro.
Les premiers jours, je n’osai pas aborder la question de son futur logement. Il avait du mal à marcher et souffrait beaucoup des lésions de son accident de l’an passé. Mon appartement plein nord n’arrangeait rien ; il me demanda de lancer des travaux d’isolation. Le sort l’accablait, on le plaignait et on me suggéra de lui laisser ma chambre plus confortable et mieux chauffée. Un silence réprobateur suivit mon refus.
Une bonne semaine plus tard, alors que je ramenai à la maison une pile de journaux d’annonces immobilières, l’un de nos amis communs s’indigna du peu de tact dont je faisais preuve face à la détresse d’un homme qui, en plus d’être physiquement diminué, avait perdu son emploi et s’était fait mettre à la porte par sa femme pour infidélité chronique. Il est à la dérive, renchérit un autre, laisse-lui au moins un peu de temps.