mardi 22 janvier 2013

Sang Véronèse


Vert menthe. Jade bleuté. Nuit de mon cœur.
Le temps s’est fracturé comme un os.
Par l’inconstance de la plus stupide des fiancées, je suis suspendu pour l’éternité.
Ciel vénérien sur la ville maudite. Eaux labyrinthiques où se mirent les courtisanes en haillons des anciens palais.
Mes yeux se remplissent de larmes.
Mes pieds nus sur le pavé glacé se couvrent de mousse.
Dans le canal, coule un sang Véronèse où tout se fige.
Et dans mes veines infuse la même absinthe pétrifiée.
Pauvre énamouré, le temps s’est fracturé comme un os.

mercredi 16 janvier 2013

Un 78 tours


On pourra me reprocher l’indigence du portrait que je vais brosser de mon grand-père, au moins soyez sûrs que je m’astreins à une scrupuleuse honnêteté en dépit d’un regard inévitablement impartial et d’une mémoire qui joue les terres brûlées.
À sa mort j’étais encore une enfant et ceci excuse peut-être le peu de souvenirs que j’ai de lui.
Au mot grand-père répond une image sévère. Celle d’un homme impénétrable aux yeux d’un bleu glacé, dont la réserve nous intimidait bien qu’il y ait fort à parier qu’il était tout à fait inoffensif. Il s’exprimait avec parcimonie, en cas d’absolue nécessité seulement, ne criait pas plus qu’il ne bavardait ou riait et je ne crois pas que ses lèvres fines, à peine esquissées, aient jamais formé un sourire.
Je garde de lui le souvenir d’une présence fantomatique et le raviver convoque un continent étale et brumeux, rompu de loin en loin par un buisson famélique ou une ravine inopinée. Je me souviens de cela, un buisson, une ravine, quatre ou cinq éléments qui ne disent pas grand-chose de ce continent qu’est tout homme.
Voici, modestement, ces cinq éléments.
1 – Le tronc d’arbre
Dans le jardin de la petite maison du bord de mer qu’avaient acquise mes grands-parents à force d’économies et d’emprunts, il avait couché un tronc d’arbre rongé par le sel et soustrait à l’immensité des vasières ; c’était l’époque où le littoral surprenait encore le promeneur d’épaves miraculeuses, de cadavres de mouettes et d’une profusion de coquillages tarabiscotés. Mon grand-père passait de longues heures assis sur ce tronc d’arbre tortueux et dépourvu d’écorce, lisse et pâle comme une peau humaine. Il n’allait jamais à la plage avec nous, je ne sais pas ce qu’il faisait de ses journées et je crois bien qu’il détestait la touffeur des étés méditerranéens.

mardi 1 janvier 2013

Sans titre 11

Au loin, on distingue de petites îles auxquelles amarrer notre espérance...