Face
contre terre. Il est couché dans l’herbe. À ses pieds, le vert plus
tendre des pousses de scarole, le vert plus sombre des fanes de radis.
C’est un
enfant, un petit garçon de la cité, qui en premier le remarque. À cette heure matinale,
le coin est désert et les travailleurs, pour ne pas crotter leurs souliers,
empruntent le passage cimenté plutôt que le chemin de la parcelle.
L’enfant voit
l’homme endormi, face contre terre. Il le reconnaît à ses vêtements de toile
épaisse, au fouillis cendré de sa chevelure. C’est le bouseux. Il l’a souvent
croisé, arrosoir et serfouette à la main,
soignant cet extravagant petit carré de terre assiégé par les tours.
Ses pieds
sont nus dans les pousses de jeune scarole, les fanes de radis. L’enfant
s’arrête et le regarde, saisi par l’étrangeté de cette sieste. Brutalement il
comprend et la peur explose dans son ventre comme un champignon nucléaire. Il
comprend à cause des pieds nus, des cheveux de cendre collés sur la nuque par
une boue rougeâtre, à cause de l’angle impossible des jambes par rapport au
bassin. Au même instant, des hauteurs de la cité, un cri noir retentit.
L’enfant lève les yeux et voit le cri. Pas un lugubre corbeau mais une
minuscule silhouette éperdue à un balcon du douzième étage, celui de l’homme
endormi.