mercredi 16 avril 2014

Mon coeur de briques rouges

Les maisons m’indiffèrent, c’est ce que j’ai longtemps pensé. Des décennies à déménager sans états d’âme, à habiter des petits meublés, des hôtels. Le lieu est insignifiant. Neutre ou presque, à peine si je reconnaissais l’impact d’une naissance à Bangkok ou à Castres. Un homme est un homme. Ainsi avançais-je sur mon chemin, tous les chemins du monde, à la rencontre d’autres comme moi, pas des lieux ni des maisons mais d’autres humains qui seuls importent à mes yeux. Traquant la ressemblance pas la singularité, la ressemblance malgré tout. En dépit des paysages. 
Les maisons m’indifférent, elles sont un point sur une carte, quatre murs. Je sais que pour beaucoup d’entre nous c’est toute une histoire, une vie, un refuge, une étape, une époque de malheur, le cœur du bonheur ; pour moi, rien du tout, c’est rien du tout. Voilà ce que j’ai longtemps pensé, jusqu’à ce que les routes sur lesquelles mon métier me jette me mènent quelque part au nord, dans cette région sinistre et poignante que j’avais oublié si bien connaître. Ça a commencé avec des difficultés respiratoires – la pollution sans doute, les pollens peut-être –,  des insomnies – trop de café dans la journée, de Jenlain au coucher –, des nausées et des vertiges – je vérifie ma tension, normale, à chaque pharmacie croisée, c’est donc plus grave ! –, et puis le cœur qui bat – le sentir battre – soudainement qui s’emballe, et la vue qui se fausse – problèmes de focales, d’exposition, c’est le ciel si bas d’ici, d’un gris si éblouissant. Les maisons m’indifférent, elles ne sont rien du tout, c’est ce dont j’étais convaincu jusqu’à ce qu’avec mon appareil photo en éclaireur j’entre dans Escaudain. Alors des larmes me sont venues et je me suis souvenu de la maison de briques rouges, celle-là même aimée d’un amour tellement puissant et pur qu’il m’a interdit de céder à toute autre.