J’ai
regardé le téléphone sonner.
Il
pouvait bien pousser sa rengaine. Je n’avais envie de parler à personne.
J’avais
décrété la journée dévolue à la lecture. Je n’avais même pas pris la peine de boire
mon café quotidien au Central ni de me lever du canapé pour ramasser le
courrier.
Par
curiosité, j’ai malgré tout saisi l’appareil. Sur l’écran s’inscrivait un
numéro non enregistré dans mon répertoire et dont l’agencement des chiffres ne
me disait rien. Je l’ai reposé. J’ai essayé de reprendre ma lecture. J’étais
distraite. J’attendais, …et il comprit
comment d’un simple geste il aurait pu infléchir la fragile détermination de
son frère. Ce matin encore… que le signal sonore m’annonce ou pas que mon
correspondant inconnu m’avait laissé un message ou pas. Bip bip. Il m’en avait
laissé un. Réflexe pavlovien, j’écoutais aussitôt. Peut-être que quelque chose
était survenu, ou non, dans ma vie.
C’était
Malika. Malika Reza ! Je l’avais perdue de vue depuis au moins quinze ans.
Et en vérité, je n’éprouvais aucune envie de la revoir. Pelotonnée dans mon
plaid, je poussais un petit gloussement de soulagement. J’étais indisponible… Malika
Reza ! Je me souvenais à quel point nos dernières rencontres avaient été
contraintes et pénibles pour moi. C’était l’une de ces très bonnes copines de
classe à qui curieusement une fois quitté la classe on a vraiment rien à dire
mais dont on ne sait pas comment se débarrasser car elles ont, elles, visiblement
beaucoup à confier et échanger. Oui, les derniers temps, j’esquivais, je
déclinais les invitations, j’annulais les rendez-vous. J’étais déjà prise Zut,
j’avais un boulot fou Flûte, j’étais grippée Crotte !
Elle
avait fini par quitter la France, puis j’avais changé d’arrondissement et de
numéro de téléphone. Je l’avais oubliée, avec elle entrepris d’enterrer les
douloureuses incertitudes de cette époque de jeunesse et un incident dont elle
avait été témoin et qu’il m’était cruel de me remémorer.
De
sa voix toujours mielleuse où pointait un soupçon de condescendance, elle
exprimait le grand bonheur qu’elle aurait à avoir de mes nouvelles. Elle était
rentrée d’Oslo, de passage à Paris et avait trouvé mon numéro de portable via le filet des insupportables réseaux
sociaux.
Je
n’avais pas répondu. Aujourd’hui justement, je n’avais eu envie de parler à
personne. Quelle heureuse disposition ! Si j’avais décroché…
Il
suffit de pas grand-chose pour infléchir le cours d’une vie ou plus simplement
vous saloper la journée.
Avant
d’effacer son message, j’enregistrais par prudence son numéro dans mon répertoire
pour pouvoir identifier son appel si elle se piquait d’insister.
Ce matin encore, le ciel sans présage et invariablement
clair inquiétait les villageois les moins…
Oh
merde, Malika Reza !
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