Elle ne
sait plus quand ça a commencé.
Est-ce en
elle depuis toujours ou cela lui a-t-il été inoculé par accident ou
malveillance ? Qu’importe. Ce qui
compte c’est que c’est là. À chaque
instant de sa vie, elle espère sa mort.
Elle ne
voit pas d’autre solution au poids toujours plus lourd des jours, à son
incapacité à se réjouir, au cœur qui s’émiette, au sang douloureux qui s’obstine
et pulse comme dans une dent malade. Le matin au réveil, elle s’imagine le
pistolet sur la tempe, elle tire puis elle ouvre les yeux et il faut se lever
et entrer dans la journée. Elle traverse la rue sans regarder et le camion fou
fonce droit sur elle, elle succombe aussitôt. Au bureau, elle s’intoxique avec
le toner de l’imprimante et ne réchappe pas d’un coma foudroyant. Dans les
galeries marchandes souterraines, les cinq étages conçus par un architecte
incompétent s’écroulent sur elle. Elle étend la lessive sur le balcon et enjambe
la rambarde, les enfants jouent dans le square en contrebas, ils seront mieux
avec leur père.
Ce soir,
elle somnole dans le RER du retour. C’est l’heure de pointe. Les passagers
affluent, refluent, se bousculent. Le pistolet imaginaire sur sa tempe attend l’instant
propice. Elle somnole sur la banquette. À côté d’elle, contre un strapontin,
une valise sans propriétaire apparent. Les passagers affluent, refluent, se
bousculent. La valise reste à sa place. Elle pense à un acte terroriste. Une
occasion en or. La valise est à cinquante centimètres d’elle. Elle ne survivra
pas. Station Auber. Les passagers entrent et sortent et la valise est toujours
là. Si proche. Elle ne risque pas
d’agoniser durant des mois brûlée au troisième degré ou de végéter trente ans
paralysée de la tête au pied. Châtelet-Les Halles. Les passagers se déversent
sur le quai. Un nouveau contingent prend place, indifférent à la valise
abandonnée. C’est parfait. Elle n’aura même pas le temps d’entendre la
détonation. Mais Gare de Lyon sûrement, un voyageur s’en saisira.
En
station, on descend en masse, on monte en masse. La valise n’a pas bougé. Une occasion
en or.
Alors,
juste avant la fermeture des portes, elle se précipite sur le quai et se rue
vers l’escalier roulant. Elle ne veut pas mourir.
1 commentaire:
bonjour,
toujours très noirs vos écrits, mais je les lis toujours avec plaisir.
merci
Enregistrer un commentaire