S’il se
trouvait quelqu’un par ici, il la surprendrait ainsi, de dos, au sommet du
coteau.
Sans
doute ne l’entendrait-elle pas venir.
Aussi
immobile que le ciel, elle contemple le paysage immuable.
Onde
tendre des vallons, hautes herbes bleutées, cri rouge des coquelicots, leur
rire communicatif de talus en talus, et la chapelle romane, toute simple, de la
pierre du pays brunie de lichens, petite âme parmi celles des arbres, des
rochers, des insectes, à sa place comme l’est le ruisseau qui s’entortille en
contrebas autour des aulnes.
Mais il
n’y a personne pour la surprendre. Plus personne par ici.
Elle est
tout à fait seule. On dirait qu’elle prie. La campagne s’éveille dans le
silence des aubes de mai, limpide et ruisselant. Sa main repose sur le bois
rongé d’une ancienne barrière qui dut séparer naguère un potager ou un chemin
du paysage angélique.
Derrière
elle, derrière la paix des tendres vallons, il y a la terre éventrée et
fumante, des ruines de la même pierre que la petite église, un silence mat et
suffocant, un silence de tympan crevé.
Tout est dévasté. Le village a été rasé, à l’instar de tous les autres, au loin, au-delà de la vue, qui empuantissent l’horizon. Pas âme qui vive, ou alors bien cachée, étouffée de gravats et de gargouillis de sang, ténue, vivante pour si peu de temps encore, déjà éteinte. Même les engins de guerre se sont désintégrés.
Tout est dévasté. Le village a été rasé, à l’instar de tous les autres, au loin, au-delà de la vue, qui empuantissent l’horizon. Pas âme qui vive, ou alors bien cachée, étouffée de gravats et de gargouillis de sang, ténue, vivante pour si peu de temps encore, déjà éteinte. Même les engins de guerre se sont désintégrés.
Elle a
sans doute beaucoup perdu, peut-être tout. Rien ne l’indique. Elle tourne le
dos au désastre. Le versant radieux du monde l’accueille et la reconnaît et
imprime à ses cheveux le mouvement des herbes bleues.
Son allure ne parle que de sérénité. Une
promeneuse qui marque une halte, comblée par un parfum de mousse humide. Sur
son visage flotte l’embarcation légère d’un sourire.
Elle a
toujours été comme ça. Ne voir, ne regarder que le beau, que le bon. Jusqu’à
l’idiotie, jusqu’à la grâce.
Et après
tout…
Puisque
tout est détruit, puisque le néant a englouti le monde d’avant, peut-être
a-t-elle raison.
Après
tout puisque le soleil se lève encore, se lève toujours, dans un embrassement
inespéré et douloureux d’ambre et de parme.
Après
tout…
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