Vert menthe. Jade bleuté.
Nuit de mon cœur.
Le temps s’est fracturé
comme un os.
Par l’inconstance de la
plus stupide des fiancées, je suis suspendu pour l’éternité.
Ciel vénérien sur la ville
maudite. Eaux labyrinthiques où se mirent les courtisanes en haillons des
anciens palais.
Mes yeux se remplissent de
larmes.
Mes pieds nus sur le pavé
glacé se couvrent de mousse.
Dans le canal, coule un sang
Véronèse où tout se fige.
Et dans mes veines infuse la
même absinthe pétrifiée.
Accroupi sur le quai, j’ai
cessé d’espérer pour un amour que la marée a emporté d’un ressac dérisoire.
Reclus dans les bras gluants
de l’abandon, j’appelle acqua alta, un plomb au cou. Acqua alta, viens jusqu’à moi. Qu’une mer immobile et froide s’abatte et me noie !
Obéissant à mes vœux, le monde
se rétracte en une bille d’eau verte et dure.
… Jusqu’à ce qu’elle se
brise… à l’instant où mes adieux les plus résolus achoppent à mes sens insoumis
que continue d’électriser le moindre frémissement. Et tout s’obstine à frémir, palpiter,
appeler…
Là, voici qu’un chapelet
de bulles agite l’onde. Une brèche sombre, sinueuse et brève, affleure à la
surface mentholée, meurt pour renaître plus loin, cernée de dizaines de son espèce, ban de petits poissons
noirs. Et par ici, n’est-ce pas le glissement lascif des gondoles, la clameur
de cloches gigantesques. Et là, des effluves féminins sans cesse vous frôlent
et vous étourdissent.
Que ne suis-je aveugle et
sourd !
Toute une vie en expansion
s’enroule autour de moi. Elle finira par avoir raison de ma mort.
À l’aube enjôleuse, je me lèverai si le temps se ressoude pour
moi, pauvre énamouré, sur une nouvelle fiancée stupide et miraculeuse.
Jade bleuté. Lueur, dans
la nuit qui se retire encore une fois.
Jade bleuté plein de
promesses. Venise traîtresse.
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