La route
crevait le paysage. Je m’étais trompée à un embranchement et ne cherchais pas à
atteindre ma destination initiale. Je roulais. J’avais ouvert les vitres de la
voiture malgré la fraîcheur. L’air entrait violemment et faisait pleurer mes
yeux. A l’horizon miroitait la ligne de la forêt. Je voulais juste m’enfoncer dans la campagne,
faire le vide ou le plein.
Je
laissai la voiture à l’orée du bois et poursuivis à pied, au hasard, sans but
précis. Aussi incroyable que cela puisse paraître, je n’avais pas marché dans
une forêt depuis mes années de jeunesse. J’abordai le sentier comme le pont
d’un gigantesque navire. Quelques bouquets d’arbres plus loin, les rives de mon
monde commençaient de sombrer. Je pénétrais les
mystères d’un autre, un entre ciel et terre d’écume verte, ombré, murmurant, de
plus en plus profond.
Je perdis
bientôt la notion du temps et des distances. On m’attendait ailleurs, personne
ne me savait ici. Je ressentais une griserie d’enfant à cette promenade
clandestine.
Après plusieurs heures de marche, toutes amarres rompues, je
m’abandonnais totalement à la magie du lieu, à des années lumière de ma vie.
Les
frondaisons très denses ne laissaient plus pénétrer que de rares phosphorescences
à la précision aveuglante de lames. J’avançais sous cette canopée serrée qui
formait comme une caverne de malachite tachée de fragments irréels d’outremer,
lumineuse comme une nuit claire et pure, une promesse.
Je me trouvais dans un état singulier sans doute. Je ne m’explique pas autrement ce qui arriva.
Je me trouvais dans un état singulier sans doute. Je ne m’explique pas autrement ce qui arriva.