60 minutes à avaler. 60 pilules amères.
Dehors, l’ombre pourpre des érables crisse comme de
la limaille.
Ça a commencé par un coup de poignard sous
l’omoplate. De petites répliques vicieuses ont suivi et ce quelque chose de
sourd, qui serre, qui serre.
Depuis, on attend et la peur s’épanouit comme un
nénuphar géant. On attend et on ne fait plus le malin à essayer de résoudre des
équations métaphysiques.
On se prend le pouls, on fait l’inventaire des signes
morbides. On a le souffle court, l’haleine chargée, des éblouissements, et ce
quelque chose qui serre, qui serre.
Dans 60 minutes maintenant, on en aura fini avec cette
frayeur verticale. A l’heure dite, en quelques mots irréfutables, on sera
précipité d’un côté ou de l’autre.
1, 2, 3, 4, 5…
égrener les secondes anesthésie l’attente.
On s’accroche à la corde des chiffres.
129 fois la lettre S dans cet article, 16 boutons à
la chemise sans oublier celui de secours cousu à l’étiquette, 6 personnes qui
attendent dans la salle, 7 il y a une minute et demie encore, soit 90 secondes.
Dehors bien sûr, tout est signe : les nuages qui
se gélifient et les oiseaux qui se taisent.
Dans le creux de notre main, reste 60 cristaux de
mercure.
60 minutes amères à avaler à sec.