jeudi 24 mai 2012

Sans regrets


Avec mon soleil fiché dans l’œil
Mon amour invincible et bien roulé
J’avançais, je profitais, je jouissais
Vade retro, fantassins de malheurs, armée hideuse
Avec mon soleil fiché dans l’œil
Eblouie de ténèbres radieuses
J’avançais, je brûlais, je riais
Avec mon soleil fiché dans l’œil
Bêtement,  dans la nuit j’ai chaviré
En pleine rigolade, par le destin fauché
Celui-là, le commun sans imagination
Pour les assombris, les illuminés
Pour mon amour invincible aussi
Nous voici
Cadavres d’étoiles dans le cercueil de l’infini

Avec mon soleil fiché dans l’œil
J’ai eu une belle vie

mardi 22 mai 2012

Indisponible pour le moment, je vous rappelerai dès que possible


J’ai regardé le téléphone sonner.  
Il pouvait bien pousser sa rengaine. Je n’avais envie de parler à personne.
J’avais décrété la journée dévolue à la lecture. Je n’avais même pas pris la peine de boire mon café quotidien au Central ni de me lever du canapé pour ramasser le courrier.
Par curiosité, j’ai malgré tout saisi l’appareil. Sur l’écran s’inscrivait un numéro non enregistré dans mon répertoire et dont l’agencement des chiffres ne me disait rien. Je l’ai reposé. J’ai essayé de reprendre ma lecture. J’étais distraite. J’attendais, …et il comprit comment d’un simple geste il aurait pu infléchir la fragile détermination de son frère. Ce matin encore… que le signal sonore m’annonce ou pas que mon correspondant inconnu m’avait laissé un message ou pas. Bip bip. Il m’en avait laissé un. Réflexe pavlovien, j’écoutais aussitôt. Peut-être que quelque chose était survenu, ou non, dans ma vie.

jeudi 10 mai 2012

60 pilules amères


60 minutes à avaler. 60 pilules amères.
Dehors, l’ombre pourpre des érables crisse comme de la limaille.
Ça a commencé par un coup de poignard sous l’omoplate. De petites répliques vicieuses ont suivi et ce quelque chose de sourd, qui serre, qui serre.
Depuis, on attend et la peur s’épanouit comme un nénuphar géant. On attend et on ne fait plus le malin à essayer de résoudre des équations métaphysiques.
On se prend le pouls, on fait l’inventaire des signes  morbides. On a le souffle court, l’haleine chargée, des éblouissements, et ce quelque chose qui serre, qui serre.
Dans 60 minutes maintenant, on en aura fini avec cette frayeur verticale. A l’heure dite, en quelques mots irréfutables, on sera précipité d’un côté ou de l’autre.
1, 2, 3, 4, 5…  égrener les secondes anesthésie l’attente.
On s’accroche à la corde des chiffres.
129 fois la lettre S dans cet article, 16 boutons à la chemise sans oublier celui de secours cousu à l’étiquette, 6 personnes qui attendent dans la salle, 7 il y a une minute et demie encore, soit 90 secondes.
Dehors bien sûr, tout est signe : les nuages qui se gélifient et les oiseaux qui se taisent.
Dans le creux de notre main, reste 60 cristaux de mercure.
60 minutes amères à avaler à sec.