mardi 21 juin 2011

Ne me dis pas que je suis contradictoire

Ne me dis pas que j'ai juste besoin de vacances
Ne me dis pas d'être plus compréhensive avec mon frère
Ne me dis pas de ne pas m'inquiéter quand tu n'es pas rentré à 3h du matin
Ne me dis pas d'apprendre à me remettre en cause
Ne me dis pas d'arrêter la lithothérapie
Ne me dis pas que mes cheveux étaient mieux avant
Ne me dis pas que je manque d'ambition
Ne me dis pas de règler ma relation au père
Ne me dis pas qu'au début j'étais plus gentille
Ne me dis pas qu'on est tous dans la même galère
Ne me dis pas que je n'assume pas mes choix
Ne me dis pas que je ne sais pas choisir
Ne me dis plus rien
Pourquoi tu ne dis rien
Dis-moi...
Dis-moi, si j'arrive à me libérer la semaine du 12...
Dis-moi de venir te rejoindre

lundi 6 juin 2011

Philosophie de parking, Les Amnésiens (5)

Dans le silence, les sons se propagent.
Non en hauteur comme dans une cathédrale, mais, en raison des plafonds bas, de manière horizontale. Ils ricochent vers les parois lointaines à la manière des cercles de plus en plus larges qui se forment à la surface de l'eau lorsqu'on la blesse d'un caillou ramassé sur le rivage.
Mes pas résonnent sur le béton. Uniquement mes pas. À cette heure-ci, tout est figé dans le parking. Et c'est comme marcher sur la pierre sans âge d'un château abandonné, au travers de pièces vidées de leur histoire.
On perçoit avec une acuité particulière sa propre solitude.
On hésite entre un sentiment à la fois inquiétant et doux de dérive et celui, vertigineux, d'une infinie liberté.

mercredi 1 juin 2011

"Des trésors de bienfaits"


Des bas. Voile fumé. Comme sur la publicité. Des jambes longues, lisses, légèrement hâlées, des jambes de femme.
Pourquoi tu t'empourpres comme ça, nigaude ? lance la mère qui, elle aussi, a eu dix-sept ans et des vapeurs qui vous mouillent le duvet autour des lèvres.
Des bas. On n'y a pas droit. Même dire le mot...
Mais aujourd'hui, c'est bal du 14 juillet et il sera là, alors...
En secret, elle porte à ébullition un litre d'eau, y laisse infuser deux grosses poignées de chicorée. Avec une boule de coton, elle applique le philtre sur les pieds, les chevilles d'abord, puis remonte le long de la jambe, de toute la jambe et rien que ça, l'idée de remonter si haut sur les cuisses, coupe le souffle.
Est-ce vrai qu'il a demandé après elle ?
Sur la place : la nuit, le muscat, les lampions, l'orchestre. Tout est là.
Il a gardé son uniforme de conscrit et elle a mis, pour la première fois, des jambes de femme. Tout est parfait.
Ils dansent. Il ne lui lâche pas la main, il ne lui lâche pas les yeux. L'amour est là.
Mais voilà que tombe l'une de ces petites averses d'été si charmantes, tièdes et odorantes. Les danseurs s'abritent en chahutant sous les arcades, et une brune toute en bouche, une déjà femme, dans la bousculade, accroche l'élu à son rire.
La magie s'évanouit.
La petite averse d'été coule, coule sur le visage de la jeune promise et les premières larmes se confondent avec les dernières gouttes. La brune rit et les jambes à la chicorée dégoulinent en exhalant des relents de cuisine. C'est fini.
Une averse. Une belle brune. De fausses jambes de femme. L'amour s'en va.