jeudi 25 avril 2013

T'aurais pas une cigarette ?


Tu peux nous parler, tu sais.
Leurs voix chuchotent, embuées de précautions.
Ils sont tous les deux face à elle. Ils veulent savoir, comprendre, aider.
Mais elle ne sait pas quoi leur dire. Elle voudrait juste dormir, ne plus se réveiller, se réveiller dans une autre vie.
Ils attendent. Ils ont eu peur cette nuit. Sans doute n’ont-ils pas dormi, sa mère a pleuré. L’inquiétude depuis des heures déjà a gommé la colère. Ils ne la quittent pas des yeux, leurs visages tendus vers elle.
Elle bredouille qu’elle ne sait pas, qu’elle en a marre. Elle ajoute, à tout hasard, qu’elle ne veut plus aller au lycée.
Mais… Pourquoi ?
Leurs voix montent dans l’aigu, pleines de questions.
Le policier a été très bien, humain et bienveillant, sans jugement. Il les a alertés sur l’âge de leur fille, l’adolescence, son malaise, les drogues, les comportements à risques.
Elle regarde ses chaussures, ses chaussures qui lui font un mal de chien, qu’elle aimerait enlever mais c’est impossible. Il semble qu’avec la souffrance elles se soient soudées à ses pieds. Pour toujours. Une marque au fer. Des chaussures à talons vernies.
Tu peux nous parler, tu sais.

mercredi 17 avril 2013

Indigo Vulcano


Juste après l’explosion, il n’est resté que du bleu. Tellement intense et d’une densité implacable. Une résine monochrome dans laquelle nous avons été saisis, main dans  la main, un sourire aux lèvres. L’éternité bleutée, secrètement espérée.

jeudi 11 avril 2013

Une lettre


Tout de suite elle avait reconnu sa calligraphie. Les boucles des lettres, longues et penchées, pressées de fuir, pressées de vivre.
Elle avait reconnu sa calligraphie et son cœur s’était mis à battre.
Depuis, à chaque fois qu’elle sortait la lettre du coffret caché sous le lit, son cœur s’emballait, sa vue se brouillait.
Le cœur battait en vain. Les larmes coulaient en vain.
La lettre était arrivée avec la pluie et le vent. Un jour de novembre aussi inéluctable que le malheur. Des mois après le départ de Pierre.
Le chemin de terre collait aux semelles et l’eau ruisselait des feuilles brunâtres que les bourrasques arrachaient et jetaient dans un linceul de boue.
Dans la boîte aux lettres, une petite enveloppe à la blancheur phosphorescente.
Elle avait dégringolé la pente jusqu’au fond du vallon, jusqu’à la maison. La lettre sur le cœur tremblant pour la protéger des gouttes, de l’inéluctable novembre. Plus tard, ce sont les larmes qui ont imprimé au papier de petites auréoles de chagrin.
Elle avait décacheté l’enveloppe et déplié la lettre. Une simple feuille de papier sans quadrillage ni fioritures. Quelques lignes seulement à l’encre bleue.
Elle avait reconnu son prénom, en haut à gauche. Du reste, elle n’avait rien saisi.