jeudi 27 novembre 2014

Attendre a fait son temps


Quand ai-je commencé à ne plus attendre ?
Difficile de dater ce non-évènement passé d'autant plus inaperçu que l’objet de ma folle espérance a continué à hanter mon esprit en dehors de toute attente. Je me suis mis à y penser routinièrement pourrait-on dire, comme un bateau lancé à pleine vapeur poursuit sa course une fois les gaz coupés, emporté par sa propre vitesse.
Je peux en revanche précisément dater le jour où j'en ai pris conscience : le 28 octobre 2007. Je regardais des amis remonter le sentier vers le gîte que nous avions loué en Sologne. Le vent, par bourrasques, m’apportait leurs rires et le parfum des sous-bois. La forêt était rousse et douce, d’une beauté qui vous met avec tendresse la main sur l’épaule. Je me sentais bien, tout simplement, en paix. Tiens, je n'attends plus, me suis-je dit.

lundi 24 novembre 2014

Minuscule Atlantide


Ils sont partis, lui non. Ils ont pris avec eux l’argenterie, la télévision écran plat, le contenu des armoires sauf les conserves.
Il a gardé lesdites conserves, le chat et le pommier que l’on voit par la fenêtre bien que, presque aveugle, lui n’en distingue plus qu’une mélodie froissée les jours de vent.
Ils s’en sont allés avec tous les autres, lui est resté. C’était juste avant que la presqu’île devienne une île.
Ils ne sont jamais revenus.
La mer grise a continué de monter. Son écume cendreuse a grignoté la plage, suivie, si vite, d’une eau sombre et définitive.
La mer grise s’est étendue sur les champs, le village.
De sa modeste colline, il a flairé son odeur d’algues, aigre et collante. De plus en plus proche, on pouvait presque la toucher du doigt après le petit muret.
Il a entendu le chat s’affoler et tourner en rond dans jardin. Ses feulements dérisoires contre les cris des oiseaux de malheur.
Bientôt le jour ne s’est plus levé, obscurci du manège incessant d’innombrables volatiles, goélands, macareux, cormorans, fous de Bassan,… À certaines heures, leur insoutenable vacarme vous arrachait des larmes nerveuses : leurs cris, une armée de craies sur un tableau noir, et leurs ailes musculeuses, des volées de gifles sur l’air mouillé.
Les jours et les jours et les jours sont passés dont il n’a pas tenu le compte. Le jardin changé en éponge s’est rétréci sous les dents d’écume, le petit muret s’est éboulé et enfoncé dans la boue. Un matin, l’un des rares fruits que donnait encore le pommier est tombé dans sa main, de la taille d’une mandarine à peine, gluant et écailleux comme un poisson.