lundi 26 septembre 2011

Vers l'intérieur

Un matin, à l’aube encore grise et incertaine, on ouvre les volets et c’est là.
On le sait à l’odeur, d’instinct.
Les dates, 21 ou 23 septembre, et autres ustensiles à expliquer le temps ne tombent jamais juste.
Ça sent la terre lourde et la mousse moite qui frissonnent dans la brume. Humus gras et grouillant, feuilles décomposées, brindilles moisies, champignons ocres et capiteux, par bouffées, dès la fenêtre. L’ombre odorante des cavernes nous recouvre, fraîche et mystérieuse. Même les villes le savent et exhalent des parfums de sous-bois décadents à la moindre allée plantée. C’est l’automne.
On avance par une sente emmitouflée de feuilles rousses. On presse sur sa gorge, sa bouche une écharpe de laine au travers de laquelle s’échappe la vapeur de notre respiration. Ce sont les premières écharpes de laine, les meilleures, celles qu’on attendait.
Le ciel est plus bas depuis quelque temps déjà, d’une teinte laiteuse et lisse, pareil à une coquille d’œuf qui recouvrerait la terre. On avance sur la sente, l’air vif et humide pris à grandes goulées avides enivre comme en haute altitude.
On entre avec ferveur dans des sous-bois de fougères orangées. On écoute sous nos pas les bruissements, les craquements : feuilles froissées, branches brisées, bogues écrasées. On se tait, on écoute. On sait qu’avec la nature qui se retourne sur elle-même, on entre dans le temps du silence et des secrets.  Celui des profondeurs. On tend la main et si l’on veut bien se laisser entraîner par ce mouvement vers l’intérieur  bientôt le mystère de toute chose deviendra presque palpable.
On ralentit le pas. On respire. On écoute à l’intérieur de soi. On entend son cœur qui bat et le bruit que font les végétaux, les animaux des bois et même les pierres du chemin dans leur hâte à creuser le nid profond de leur espérance.
Du ciel blanc, un soleil dilué d’aquarelle s’égoutte sur les ors et les rougeoiements des feuilles qui soupirent, glisse le long des rides de l’écorce noire, coule jusqu’à nous.
On peut suivre aux inexorables et indolentes gouttelettes d’humidité ce passage à la lenteur du temps. On va se coucher, se rouler sur soi-même, s’ensevelir comme la châtaigne sous l’humus, concevoir, féconder, couver, nourrir dans le secret qui précède les avènements, dans le cœur exigeant de l’attente, tapi au fond de la terre humide entre les racines des grands châtaigniers.
Le silence va venir, lentement. S’appesantir. Il approche.  Aucune saison ne nous entraîne avec autant de tendresse vers la solitude des gestations.
Aucune saison n’est à ce point propice au rêve.
Possible et impossible se préparent ensemble au pourrissement d’hier.
C’est l’automne.
C’est ma saison préférée.
Celle où je suis née et espère renaître tous les ans.

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