lundi 1 septembre 2014

Moscou s'en fout

Souvenirs d'il y a quelques jours, d'il y a vingt-cinq ans

Les bulbes d’or résonnent dans l’aube grise. 
Tu n’entends que ça. D’un noyau de silence, la vibration des bulbes d’or. 
La place est déserte semblable à cette même place déserte il y a vingt-cinq ans.
Tannée par les siècles, la cathédrale se moque de la poignée d’années qui est ta mesure, des anciens et des nouveaux régimes, de la figure des vitrines qui sait maintenant farder les jours mais n’y change rien. Dieu demeure, immuable au clocher des églises, et la vie pareille peuplée d’hommes aux  lourdes paupières.
Toi seule as changé. Une sensation grise et fanée sous les côtes. Sur toi seule le temps semble avoir passé pareil à une marée furieuse, pleine de promesses et de récifs tranchants.
Tu avais la vingtaine et, à la proue des villes, tu guettais l’intrépide rouleau d’écume. Tu l’attendais comme on attend d’entrer dans la vraie vie – est-ce qu’il arrive ? le vois-tu ? est-ce pour maintenant ? – et il y avait à tes côtés quelqu’un qui n’habite plus cette vie, qui était plein d’impatience et de faim, bien décidé à rire et à prendre les plus belles vagues.
Évidemment, Moscou ne se souvient de rien et se foutait de votre espérance, de cette attente de jeunesse, démesurée et insomniaque, dépourvue encore de l’acidité qui menacera de tout ronger de l’intérieur.
Aujourd’hui, en dépit de la brûlure des ans, si l’ami avait été là, vous auriez trouvé, tu en es sûre, le moyen de rire et de voir vos rêves miroiter dans l’or des clochers.
Et rien que d’y songer…, oui, il y a bien quelque espérance immense qui s’enroule autour des bulbes d’or et de ton cœur.

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