mardi 4 janvier 2011

Le ciel terriblement bleu claque au vent

J’ai rencontré Nadège un jour comme celui-ci, clair et glacial. J’attendais sur la place face à l’immeuble dont je devais visiter le troisième étage avec balcon filant. Elle faisait les cent pas sur cette même place. Elle marchait très près du bord du trottoir et donnait des coups de talons dans la fine pellicule de glace qui s’était formée dans le caniveau pendant la nuit. Je regardais ma montre. Je regardais les fenêtres du troisième étage. Je regardais la fille faire les cent pas. Elle portait un manteau turquoise, des bottes en daim d’un bleu plus sombre, un bonnet et des gants assortis.
Le ciel était un ciel d’hiver, d’un bleu blessant.
Une voiture est passée lentement, a effectué un tour complet de la place. Nous l’avons suivie des yeux avec intérêt, il ne se passait pas grand-chose sur cette petite place. La voiture est repassée devant nous et s’est garée sur le passage piéton. Je me suis précipité vers son conducteur mais la fille en bleu m’a doublé, nous avions tous les deux rendez-vous pour la visite à neuf heures. Le monsieur de l’agence s’est excusé de ce rendez-vous commun en râlant contre la nouvelle secrétaire.
Quelques minutes plus tard, un jeune homme essoufflé nous a rejoints dans l’appartement où nous en étions à vanter les mérites de la douche par rapport au bain dans le microscopique cabinet de toilette. Il a prononcé quelques mots à l’oreille du monsieur de l’agence qui a dû nous quitter aussitôt : des problèmes familiaux.
Nous sommes restés avec Nadège à inspecter la plomberie en nous cognant l’un à l’autre. J’aurais dû partir, l’appartement ne me plaisait pas, mais je me suis senti obligé de lui faire un peu la conversation, et elle de me répondre aimablement. ″ Nous voilà donc deux étrangers dans une salle de bains inconnue ″, avons-nous plaisanté. Ni l’un ni l’autre n’était convaincu par le troisième étage balcon filant.
Nous sommes allés boire un café et avons emménagé ensemble dans un autre appartement, deux mois plus tard.
Aujourd’hui, Nadège veut vendre la maison, notre maison. L’installation chez Alexandre est imminente. Nous parlons en tapant des pieds sur le quai du terminal de ferroutage. Je la remercie de me prévenir, après tout depuis notre divorce, cette maison, qu’elle avait choisie et aménagée, est à elle.
Dans le froid, chacun de mes mots se matérialise en SOS de fumée et se dissout à dix centimètres de ma bouche. Il faudrait que je passe récupérer tout ce que j’y ai laissé, m’enfume-telle. Elle me sourit de toute son irrésistible fossette. Si je pouvais passer faire un premier tri dès ce week-end…
Au-dessus du port, le ciel terriblement bleu claque au vent.
 
 

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